Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs
La population mondiale est estimée entre 50 000 et 100 000 couples nicheurs [bg21].
En Europe, la population nicheuse est estimée dans une fourchette de 8 400 à 11 000 couples. Son statut de conservation est considéré comme « défavorable » [bg2]. Les populations semblent stables, voire en légère augmentation localement. Des incertitudes subsistent cependant sur le statut de certaines populations baltes, balkaniques, voire scandinaves, avec des déclins locaux probables [bg2]. L’Aigle royal est en cours de réintroduction en Irlande.
L’effectif français fait état de 390 à 450 couples [bg66]. Pendant environ deux siècles, de 1750 à 1950, l’Aigle royal fut chassé de façon intensive dans toute l’Europe, ce qui entraîna son déclin général. En France, l’espèce est considérée comme rare [bg53]. Il nichait encore en forêt de Fontainebleau et en Champagne jusqu’au XIXe siècle. Partout persécuté, tiré et empoisonné, il trouva ses derniers refuges dans les massifs montagneux des Alpes, des Pyrénées et du Massif Central. C’est dans la décade 1950 à 1960 qu’un changement d’opinion commença à se dessiner à la suite des conséquences catastrophiques de l’emploi des pesticides sur les populations de rapaces diurnes. L’interdiction de l’usage du DDT et la protection totale de l’Aigle royal dans de nombreux pays européens, permirent progressivement d’inverser la tendance. De la fin des années 1960 à la fin des années 1990, les effectifs se sont à nouveau développés et on assiste encore aujourd’hui à une augmentation numérique et à une expansion géographique de l’espèce en périphérie des noyaux durs de populations montagnardes (Languedoc, Ardèche, Jura, Provence…). Les effectifs sont stabilisés dans les bastions alpins et pyrénéens, mais de nombreuses zones de moyennes montagnes ne sont pas encore complètement recolonisées, notamment en Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Provence Alpes Côte d’Azur.
Propositions de gestion
La réglementation des parcs nationaux et des réserves, ainsi que certaines mesures de gestion cynégétique ont contribué à la restauration des populations d’espèces proies, notamment d’ongulés sauvages, augmentant les potentialités trophiques de plusieurs massifs. Il conviendrait d’étendre ces mesures à d’autres massifs, par le biais de mesures contractuelles sur le retour d’espèces chassables. Ainsi, la création de garennes ou de cultures faunistiques dans des habitats favorables, pourrait fortement contribuer à développer de nouvelles populations d’espèces proies (lapins, lièvre,…) et à fixer des oiseaux sur des territoires favorables. La création d’aires protégées comme des arrêtés de protection de biotopes est indispensable pour les sites de nidifications les plus exposés [bg53].
Les couples nidifiant sur des arbres doivent faire l’objet d’une attention particulière. Ils sont en effet davantage soumis aux dérangements, notamment par les travaux forestiers. Des périodes d’interdiction de travaux et la délimitation d’un périmètre de quiétude aux abords des nids, sont des mesures simples de conservation, relativement aisées à mettre en oeuvre. Par exemple, dans le Parc national des Cévennes, Les travaux d’exploitation et l’accès à certaines pistes à proximité des aires y sont limités de mars à août dans un rayon de 300 mètres. De même, il ne faut pas créer de nouvelles pistes ou permettre des places de retournement proches des aires. En effet, en plus des dérangements motorisés, ces aménagements peuvent faciliter des accès à des grimpeurs et la création de pistes DFCI a été suivie d’équipement de voies d’escalade.
D’une manière générale, il est primordial de veiller à ce qu’aucune activité de loisir et, a fortiori, aucun aménagement afférent, ne soit réalisé dans les secteurs de nidification. Une attention particulière doit être portée pour éviter la création ou le balisage de chemin de randonnées en surplomb ou en vis à vis des aires. Des travaux de conventionnements avec les principales structures administratives, associatives ou professionnelles liées aux sports de pleine nature permettrait de prévenir la majorité des dérangements. Sauf exception, des sites de nidification non dérangés sont pérennes pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies. Une vigilance toute particulière doit être mise en oeuvre dans les secteurs où l’Aigle royal cohabite avec des
populations de grands carnivores, afin d’y éviter l’utilisation illicite du poison.
La sécurisation préventive et curative des pylônes électriques à proximité des sites de nidification doit être une priorité pour la conservation de cette espèce. Dans ce cadre, il est important de conventionner avec EDF ou les sociétés d’électrification pour pouvoir lancer des aménagements curatifs mais surtout préventifs en allouant des budgets annuels à ces travaux. De même, la visualisation des câbles de remontée mécanique doit être systématique dans tous les territoires de chasse montagnards.
Il est aussi très important d’informer les acteurs socioprofessionnels qui sont amenés à cohabiter avec l’Aigle royal en zone de moyenne montagne. L’aménagement de grillages au dessus des enclos permet de limiter l’impact de la prédation de volailles sur des exploitations agricoles. Une information en amont des agriculteurs doit être prévue. Toutes les mesures en terme d’ouverture des milieux lui sont favorables comme les brûlages dirigés, le girobroyage des landes et/ou le maintien de l’activité pastorale en montagne. De même dans les zones collinaires de garrigues comme les Corbières, le maintien de toutes activités agricoles maintenant des milieux ouverts et des zones de lisières ont un effet bénéfique.
Il conviendrait également d’éviter les opérations de reboisement dans les zones encore favorables à l’espèce. Etudes et recherches à développer. Le baguage des jeunes au nid apporterait des informations sur l’identité des individus qui occupent de nouveaux sites
(ou des sites abandonnés) et renseignerait sur la dynamique de la population.
Pour la réduction de la mortalité sur le réseau électrique, la démarche actuelle conduisant à l’identification des lignes les plus meurtrières est basée sur la découverte aléatoire des cadavres d’oiseaux. Une prospection systématique sous les lignes du réseau permettrait de mieux hiérarchiser les priorités en matière de neutralisation des pylônes dangereux.